Á
l’été 1944, Nîmes et sa région, comme la quasi-totalité
du territoire français, s’était
libérée de l’occupation allemande ; cependant, un an après encore, les conséquences
de la pénurie de guerre étaient toujours très ressenties : restrictions
obligatoires, approvisionnement insuffisant, consommation modérée.
Malgré cela,
dans l’euphorie ambiante de la Libération d’abord, puis de la capitulation
générale du régime nazi signée quelques semaines auparavant le 7 mai 1945, le
besoin collectif de fêtes et réjouissances était dans toutes les têtes.
C’est
ainsi, dans ce contexte mitigé, qu’en ce mois d’août 1945 allait renaitre à sa
date traditionnelle la fête du village, la fête votive.
Les
élections municipales s’étaient déroulées en avril 1945, et le maire élu à
Nîmes, Léon Vergnolles, avait désigné un adjoint spécial à Saint-Césaire, un
certain Gaston Lessut, né au village, exploitant agricole, impliqué dans la vie
locale. Soucieux de prendre en compte les problèmes de ses concitoyens, Gaston
Lessut se démenait pour ravitailler les saint-césairois en denrées de première
nécessité, notamment des sacs de pommes de terre qu’il faisait distribuer.
L’occasion de la fête allait lui permettre d’avancer une idée géniale :
répondre à la fois aux besoins de consommation et de divertissement. En effet,
une arène éphémère et pittoresque, composée essentiellement de charrettes et de
tombereaux mis à disposition par les viticulteurs, était montée (à
l’emplacement de l’actuel terrain de foot) pour y faire courir les taureaux de
Camargue (il y avait une course presque tous les jours, et la fête en durait
une dizaine).
Pour le 15 août 1945, notre Gaston prit l’initiative de
"faire tuer un taureau" : pas de problème, son ami manadier
Emile Bilhau pouvait répondre à la demande et fournir un "beau
camarguais" ; pour l’estoquer, il fallait un torero : pas de
problème non plus, il allait le trouver dans la communauté exilée de l’Espagne
franquiste en la personne du valenciano
Antonio Pilès (famille devenue illustre dans le milieu taurin nîmois, dont
Robert Pilès matador de toros). La corrida put donc avoir lieu.
On y frôla
d’abord la catastrophe : non pas en piste dans le "rond de
charrettes", mais sur les tribunes bondées où tout Saint-Césaire s’était
agglutiné, l’une d’elles déséquilibrée ayant cédé sous le poids (il avait plu
la veille) entrainant les spectateurs au sol ; plus de peur que de mal
heureusement, quelques ecchymoses…
Après la sortie en triomphe du maestro porté sur les épaules de la
jeunesse du village, ce ne furent pas les "oreilles et la queue" qui
intéressèrent les saint-césairois mais la viande : les bouchers la
débitèrent et chacun put obtenir un bifteck ou une daube, c’était le but, ce
qui laissa dubitatif le préfet de Nîmes qui avait accordé l’autorisation ;
en effet, la corrida permit de vendre (à petit prix) quelques 600 kg de viande
supposés provenir de ce brave camarguais !... (on saura bien plus tard que
quelques vaches du coin s’y étaient ajoutées, mais le préfet en question était
probablement à la retraite ou muté sous d’autres cieux).
Cette année-là, pour
la fête votive, le pot-au-feu de bœuf s’imposa comme plat de gala sur les
tables saint-césairoises…
Juste
retour des choses : lors de ses mandats suivants au sein des municipalités
nîmoises, le populaire Gaston Lessut se vit confier la fonction - outre celle
de "maire de Saint-Césaire" - de président de la commission
tauromachique. On comprend
pourquoi.
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