samedi 15 août 2015

Photos du mois


 L'alguazil de la corrida du siècle :
Rémi Guérola




Le matador Antonio Pilès
porté en triomphe par de jeunes saint-césairois :
Henri Gélis, Momond Brun, Alfred Lunardi.

Il y a 70 ans : la corrida du siècle à Saint-Césaire !


Á l’été 1944, Nîmes et sa région, comme la quasi-totalité 
du territoire français, s’était libérée de l’occupation allemande ; cependant, un an après encore, les conséquences de la pénurie de guerre étaient toujours très ressenties : restrictions obligatoires, approvisionnement insuffisant, consommation modérée.
Malgré cela, dans l’euphorie ambiante de la Libération d’abord, puis de la capitulation générale du régime nazi signée quelques semaines auparavant le 7 mai 1945, le besoin collectif de fêtes et réjouissances était dans toutes les têtes.
C’est ainsi, dans ce contexte mitigé, qu’en ce mois d’août 1945 allait renaitre à sa date traditionnelle la fête du village, la fête votive.

Les élections municipales s’étaient déroulées en avril 1945, et le maire élu à Nîmes, Léon Vergnolles, avait désigné un adjoint spécial à Saint-Césaire, un certain Gaston Lessut, né au village, exploitant agricole, impliqué dans la vie locale. Soucieux de prendre en compte les problèmes de ses concitoyens, Gaston Lessut se démenait pour ravitailler les saint-césairois en denrées de première nécessité, notamment des sacs de pommes de terre qu’il faisait distribuer.
L’occasion de la fête allait lui permettre d’avancer une idée géniale : répondre à la fois aux besoins de consommation et de divertissement. En effet, une arène éphémère et pittoresque, composée essentiellement de charrettes et de tombereaux mis à disposition par les viticulteurs, était montée (à l’emplacement de l’actuel terrain de foot) pour y faire courir les taureaux de Camargue (il y avait une course presque tous les jours, et la fête en durait une dizaine).
Pour le 15 août 1945, notre Gaston prit l’initiative de "faire tuer un taureau" : pas de problème, son ami manadier Emile Bilhau pouvait répondre à la demande et fournir un "beau camarguais" ; pour l’estoquer, il fallait un torero : pas de problème non plus, il allait le trouver dans la communauté exilée de l’Espagne franquiste en la personne du valenciano Antonio Pilès (famille devenue illustre dans le milieu taurin nîmois, dont Robert Pilès matador de toros). La corrida put donc avoir lieu.
On y frôla d’abord la catastrophe : non pas en piste dans le "rond de charrettes", mais sur les tribunes bondées où tout Saint-Césaire s’était agglutiné, l’une d’elles déséquilibrée ayant cédé sous le poids (il avait plu la veille) entrainant les spectateurs au sol ; plus de peur que de mal heureusement, quelques ecchymoses…
Après la sortie en triomphe du maestro porté sur les épaules de la jeunesse du village, ce ne furent pas les "oreilles et la queue" qui intéressèrent les saint-césairois mais la viande : les bouchers la débitèrent et chacun put obtenir un bifteck ou une daube, c’était le but, ce qui laissa dubitatif le préfet de Nîmes qui avait accordé l’autorisation ; en effet, la corrida permit de vendre (à petit prix) quelques 600 kg de viande supposés provenir de ce brave camarguais !... (on saura bien plus tard que quelques vaches du coin s’y étaient ajoutées, mais le préfet en question était probablement à la retraite ou muté sous d’autres cieux).
Cette année-là, pour la fête votive, le pot-au-feu de bœuf s’imposa comme plat de gala sur les tables saint-césairoises…

Juste retour des choses : lors de ses mandats suivants au sein des municipalités nîmoises, le populaire Gaston Lessut se vit confier  la fonction - outre celle de "maire de Saint-Césaire" - de président de la commission tauromachique.  On comprend pourquoi.