Ceux qui l’ont vécu voici soixante ans ne l’ont jamais
oublié :
succédant à un mois de janvier normal, voire relativement
doux, la France entière s’est vue brutalement envahie par une vague de froid
qualifié de "sibérien".
Et durable : un mois complet, du 1er
au 28 février !!!...
(retour à la normale à partir du 29, année bissextile).
Du jamais vu auparavant au 20ème siècle, et sans
récidive depuis.
En quarante-huit heures, au début de ce mois de février,
neige, gel, vent glacial, s’abattirent partout sur le pays avec plus ou moins
d’intensité suivant les régions, mais de façon inhabituelle sur le sud
notamment : transports routiers paralysés, activité ferroviaire bloquée,
fleuves gelés, vie économique perturbée à l’échelle de l’Europe occidentale,
nos voisins frontaliers étant également plongés dans cet épisode
impressionnant, aux conséquences dramatiques – près de 1000 victimes dénombrées
en Europe !
A Nîmes, la température devenait négative dès le 1er
février (près de moins 6°) et continuait à chuter brutalement les jours suivants
(– 11°
le
2) : la courbe du
mercure allait alors évoluer en dents de scie jusqu’à la fin du mois, les
maximales variant de 9°8 à – 9°8, les minimales de – 1 à près de – 14,
des valeurs de température inférieures de 20° par rapport aux normes
habituelles de saison dans notre région.
A Nîmes toujours, le paroxysme allait être atteint le vendredi 10, le thermomètre
affichant – 13,6° (!!) sans dépasser - 9°8 au meilleur moment de la journée, record
de froid enregistré à Nîmes, à battre !...
C’est dire que se déplacer sur un sol continuellement gelé
était devenu l’exercice le plus périlleux auquel nous étions soumis, car il
fallait bien que la vie suive son cours en essayant de s’adapter au
mieux : pour se protéger de la rigueur du froid, on doublait l’équipement
vestimentaire, doubles chaussettes, doubles tricots, caleçons longs sous les
pantalons, écharpes et bonnets protégeant les oreilles, nous restions quasiment
habillés la nuit sous les couches de couvertures, en réchauffant le lit avec
bouillottes et briques. Pour les collégiens et lycéens d’alors dont je faisais
partie, le meilleur moment de la journée était le trajet en bus de
Saint-Césaire à Nîmes : garçons et filles, nous nous agglutinions au fond
du car (debout), bien serrés les uns contre les autres, une aubaine de
circonstance qui nous faisait trouver le trajet trop court…
Mais ce qu’il reste dans la mémoire collective en référence
à ce terrible mois de février 1956, et le marque, c’est l’anéantissement par le
gel des olivaies, dont la quasi-totalité de l’important domaine ceinturant Saint-Césaire
ne survivra pas ici, comme ailleurs dans la région et l’ensemble méditerranéen.
Ce fut certes exceptionnel, mais nous savons bien que la violence
des caprices météorologiques soudains se confronte épisodiquement aux limites
humaines… et que les records sont établis pour être battus !...
Francis Brun